Rentrée 2024 : L’urgence d’une stratégie claire pour l’énergie et le climat en France

 

Depuis le 9 juin 2024 et la dissolution de l’Assemblée nationale française, de nombreux dossiers législatifs se sont retrouvés en suspens. Parmi eux, des lois et directives permettant à la France d’accélérer sa transition énergétique. La Loi de Programmation Énergie et Climat (LPEC) est toujours en attente de débat parlementaire et des incertitudes persistent autour de la stratégie hydrogène et du développement du nucléaire.

Pendant ce temps, les investisseurs publics et privés hésitent à s'engager. La France, qui s'apprête à affronter une rentrée marquée par de nombreux défis énergétiques et climatiques. Place Des Énergie fait le point sur ces enjeux et les conséquences d'un vide politique qui pourrait coûter cher à l'économie et au climat.

 

La Loi de Programmation Énergie et Climat (LPEC)

 

La Loi de Programmation Énergie et Climat (LPEC), doit encadrer la réponse française à l’urgence climatique et écologique actuelle. Elle définit les priorités et les objectifs de la politique énergétique nationale. Cette loi n’a pas encore été votée.

 

Un cadre législatif en attente

 

La LPEC était initialement attendue pour le mois de juillet 2023. Elle devait encadrer les objectifs français de sobriété énergétique, d’efficacité énergétique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre

Devait découler de cette loi, la publication de deux documents importants pour la période 2023-2024 :

  • la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) ;

  • la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE).

En janvier 2024, Bruno Le Maire avait promis la définition des contours de la LPEC et son vote rapide. Cependant, en avril 2024, Roland Lescure, ministre de l’Énergie, annonçait le renoncement à cette loi. Il justifiait ce rétropédalage par une envie d’éviter une bataille entre les pro-nucléaires et les pro-ENR, risquant de provoquer un blocage au Parlement. En septembre 2024, ces textes ne sont pas prêts à être débattus au Parlement.

Conséquences de l'absence de LPEC

 

L’absence d’un cadre clair en matière d’écologie retarde la  planification de la transition énergétique du pays. Début juillet, la France a livré à la Commission européenne son Plan National Intégré Énergie-Climat (PNIEC). 

 

Celui-ci détaille nos objectifs climatiques, mais n’est pas suffisant pour encadrer la transition énergétique de l’Hexagone. Sans directive claire, les investisseurs publics et privés se retrouvent bloqués. 

 

Hydrogène et CEE

 

Afin de décarboner son industrie, la France envisage le développement de l’hydrogène décarboné. Il doit permettre la diminution des émissions de CO2 pour atteindre l’objectif de réduction de 81 % des émissions d’ici à 2050. La redéfinition des CEE est, de son côté, un événement majeur.

 

La stratégie nationale pour l’hydrogène

 

La stratégie pour l’hydrogène en France doit permettre de :

  • Développer une mobilité lourde à l’hydrogène décarboné ;

  • Décarboner l’industrie grâce à l’émergence d’une filière française de l’électrolyse ;

  • Soutenir la recherche, l’innovation et le développement du secteur

 

Un plan hydrogène avait déjà été adopté en ce sens en 2018. En 2020, la stratégie hydrogène vient remplacer le texte de 2018. En novembre 2023, la mise à jour de la stratégie de 2020 est actée. Malheureusement, le gouvernement retarde la publication du texte en début d’année 2024. Après la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin 2024, celle-ci est définitivement enterrée.

 

Là aussi, l’absence de directives claires alarme les investisseurs. La fédération nationale France Hydrogène s’inquiète. Selon elle, des investissements et un cadre réglementaire stable sont nécessaires pour concrétiser ces ambitions industrielles et énergétiques. Sans cela, le développement de l'hydrogène renouvelable et bas-carbone pour créer une industrie locale et réduire les dépendances extérieures est impossible.

 

La mise à jour des CEE

Le gouvernement français est tenu de redéfinir régulièrement le périmètre des actions éligibles, ainsi que la période de comptage des Certificats d'Économie d'Énergie (CEE). L’absence de gouvernement retarde ces modifications et engendre des conséquences négatives pour les entreprises et la transition énergétique en général.

Cela peut retarder les investissements des entreprises dans des projets d’efficacité énergétique et impacter leur compétitivité, car elles ne savent pas quels projets seront récompensés par des CEE. Elles se retrouvent moins performantes en matière d’actions de transition énergétique en comparaison avec leurs concurrents européens, plus en avance sur let sujet.

Enfin, la décarbonisation elle-même est menacée, car le mécanisme des CEE est un levier important pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre en France.

 

Nucléaire : un avenir incertain

 

Emmanuel Macron avait annoncé, dès 2022, vouloir relancer le nucléaire français. Le gouvernement s’était engagé à construire six nouveaux réacteurs EPR. En 2023, le Président indiquait même vouloir aller au-delà.

 

 

Projets de nouveaux réacteurs nucléaires

 

Septembre 2024, aucun texte n’officialise la construction de ces six réacteurs EPR sur son territoire. D’ailleurs, aucun de ces six réacteurs n’a été commandé à EDF. Le géant de l’énergie ne dispose d’aucun mécanisme de financement en ce sens.

 

Régulation et compétitivité du nucléaire

 

Le cadre de la régulation des prix de l’électricité en provenance du nucléaire se fait, lui aussi, attendre. Le patronat et les industriels s’inquiètent de la non-stabilité de ce prix. Certains d'entre eux demandent une révision de ce cadre de régulation, car un prix compétitif de l'électricité est essentiel pour l'industrie en Europe.

 

De plus, le développement de l’électricité décarbonée est prévue dans la loi Industrie verte adoptée fin 2023. Avant la dissolution de Parlement, le Premier ministre, Gabriel Attal, voulait compléter cette loi par un second volet. Il aurait permis de simplifier et d’accélérer les processus administratifs.

Selon, Charles Rodwell, député en charge de la mission sur l'attractivité industrielle, un accord avec Les Républicains a été trouvé pour certaines mesures à inclure dans une loi Industrie verte 2. Cependant, en raison de la situation politique actuelle, la priorité est de préserver les acquis de la première loi plutôt que d’en créer une nouvelle.

 

La transposition des directives européennes

 

Les parlementaires français doivent intégrer dans la législation nationale des directives édictées pour l’Europe. Des délais sont impartis, ainsi que des objectifs chiffrés. En cas de retard, la France s’expose à des sanctions européennes.

 

Extension du marché du carbone

 

Actuellement, la France est soumise au Marché du carbone européen. Ce mécanisme, le Système d'Échange de Quotas d'Émission (SEQE-UE), oblige certains industriels (énergie, acier, ciment, etc.) à acheter des quotas d’émissions de CO2, afin de compenser leur impact sur l’environnement.

 

Une nouvelle directive de ce Marché doit élargir ce système d’achat de quotas aux secteurs du chauffage (comme le chauffage des bâtiments) ainsi qu’au secteur du transport (principalement routier). Dans ce cas, les entreprises et les consommateurs de ces secteurs devront également acheter des quotas de carbone pour compenser leurs émissions de CO₂.

 

Impact sur les consommateurs et les entreprises

 

Chaque pays est tenu d’adapter sa législation pour se conformer à cette directive. On parle de transposition. Ces nouvelles règles doivent être intégrées dans les lois carbone françaises d’ici au 31 décembre 2024. En cas de retard, la France pourrait perdre certains avantages, comme les quotas gratuits de carbone pour les secteurs déjà couverts par le marché.

Cette perte de quotas gratuits aurait un impact sur les entreprises françaises. Certains secteurs seraient alors moins compétitifs. Des entreprises pourraient être tentées par la délocalisation de certaines de leurs activités, afin de minimiser leurs coûts.

Cependant, la France reste frileuse quant à l’intégration de la nouvelle directive du Marché du carbone européen. L’arrivée des quotas dans le secteur du chauffage signifie la mise en place d’une taxe carbone. Celle-ci sera directement payée par le consommateur français. Même si l’Europe a prévu un mécanisme de fonds social pour compenser cette taxe, la France préfère retarder l’échéance.

 

Le besoin d’un cadre législatif pour accélérer notre transition énergétique

 

En conclusion, l'absence de cadre législatif clair et de directives fermes en matière de politique énergétique et climatique place la France dans une position d'incertitude à un moment critique. Que ce soit la Loi de Programmation Énergie et Climat (LPEC), la stratégie hydrogène, le développement du nucléaire ou la transposition des directives européennes sur le Marché du carbone, tous ces dossiers sont aujourd'hui en suspens.

La France se retrouve alors bloquée dans sa stratégie globale de transition énergétique. Elle est dans l’incapacité de légiférer pour réduire efficacement ses émissions de gaz à effet de serre.

Les différentes législations en matière de transition énergétique attendront la constitution d'un nouveau gouvernement pour être confirmées. Mobiliser les acteurs de la filière énergétique est un réel enjeu d'actualité pour la France afin d'envisager un positionnement de leader en transition écologique au niveau mondial.