La récente dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron a plongé la France dans une période de turbulences politiques, suscitant des inquiétudes quant à l'avenir du secteur de l'énergie.

 

Alors que le pays est confronté à des défis majeurs en matière de décarbonation et de transition énergétique, cette crise politique ajoute une couche d'incertitude qui pourrait ralentir les avancées déjà en retard dans ces domaines.

 

Explorons les conséquences potentielles de cette situation sur les secteurs de l'énergie renouvelable et nucléaire en France.

 

La dissolution met la transition énergétique en suspens

 

L’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, suite aux résultats des élections européennes, a provoqué une onde de choc dans le secteur de l’énergie en France. 

 

Cette décision, en pleine crise politique, met en péril la feuille de route nécessaire pour atteindre les objectifs de décarbonation du pays. Le secteur de l’énergie doit maintenant composer avec une période d’incertitude qui pourrait avoir des conséquences sur les projets en cours et à venir.

 

Les objectifs de développement en attente

 

Depuis plusieurs mois, la filière des énergies renouvelables attend des objectifs de développement clairs pour l’horizon 2035. Éolien terrestre, solaire thermique, biogaz... autant de secteurs qui nécessitent une feuille de route précise pour garantir leur croissance et leur contribution à la décarbonation de la France. 

 

Avec la dissolution de l'Assemblée, ces plans sont mis en attente, suscitant des inquiétudes quant à la capacité du pays à atteindre ses objectifs climatiques.

 

Le président du Syndicat des Énergies Renouvelables (SER), Jules Nyssen, exprime son désarroi : « Le gouvernement tergiverse depuis des mois sur cette programmation, qui aurait dû être annoncée cette semaine et mise en concertation fin juin. Vraisemblablement, elle ne pourra pas être adoptée avant les législatives. »

 

Cette incertitude crée une instabilité juridique qui pourrait retarder des projets importants, comme le « méga-appel d'offres » pour l'éolien en mer et le soutien aux gaz renouvelables.

 

La décarbonation en jeu

 

Les grands industriels, représentés par l'UNIDEN (Union des Industries Utilisatrices d'Énergie), partagent également ces préoccupations. « Nous avons une feuille de route claire : nous devons nous décarboner. L’essentiel est d’accéder à une électricité bas-carbone à un prix compétitif, qu’elle soit nucléaire ou renouvelable », affirme Nicolas de Warren, président de l'UNIDEN. 

 

La stratégie de décarbonation repose sur des investissements lourds et une visibilité à long terme, deux éléments actuellement compromis par la crise politique.

 

La production d’électricité en France repose sur un mix énergétique diversifié, incluant la production nucléaire, les énergies renouvelables comme l’éolien et le solaire, ainsi que les énergies fossiles. La mise en place de nouvelles infrastructures est cruciale pour améliorer l’efficacité énergétique et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les émissions de gaz liées à la production d'électricité doivent diminuer pour atteindre les objectifs climatiques.

 

L'hydrogène vert, un autre pilier de la transition énergétique, est également en attente d'une stratégie gouvernementale révisée. Mika Blugeon-Mered, expert en marché et géopolitique de l'hydrogène à Sciences Po, souligne que « la filière a besoin d'un soutien aux utilisateurs, puisque la stratégie initiale était axée uniquement sur les producteurs. »

 

Le retard dans la publication de cette stratégie pourrait freiner le développement de cette technologie essentielle pour décarboner l'industrie lourde.

 

Le rôle du RN dans la transition énergétique

 

Avec la montée en puissance du Rassemblement National (RN) suite aux élections européennes, des questions légitimes peuvent se poser sur l'avenir de la transition énergétique en France. Le programme énergétique du RN, défendu par Marine Le Pen, pourrait redéfinir la stratégie actuelle, marquant un virage par rapport aux priorités actuelles de décarbonation et de développement des sources d’énergies renouvelables.

 

Une politique nucléaire ambitieuse

 

Lors de la campagne présidentielle de 2022, Marine Le Pen avait promis la construction de vingt nouveaux réacteurs nucléaires, dont dix à livrer dès 2031. Cette promesse ambitieuse, bien que jugée irréaliste par certains industriels, démontre l'engagement du RN envers la production française d'énergie nucléaire

 

Cependant, cette stratégie se heurte à des défis de mise en œuvre et à des délais de construction longs. Cela soulève la question de l'approvisionnement énergétique en attendant que ces réacteurs deviennent opérationnels.


 

Une opposition aux énergies renouvelables

 

Le RN a également exprimé son opposition aux énergies renouvelables, notamment l'éolien et le solaire. Marine Le Pen avait proposé un moratoire sur l'éolien, avec un démantèlement progressif des parcs. Cette position est en contradiction avec les scénarios de transition énergétique qui soulignent la nécessité des énergies renouvelables pour atteindre les objectifs climatiques. 

 

Un fournisseur d'électricité renouvelable anonyme prédit que « les lois de l'économie et de l'énergie vont rattraper les responsables RN. On aura besoin de plus d'énergie pas chère. Construire du nucléaire nécessite 10-15 ans. Que fait-on en attendant ? »

 

Les projets énergétiques en suspens après la dissolution de l’Assemblée

 

Les projets essentiels pour la transition énergétique sont maintenant en suspens, mettant en péril la réalisation des objectifs climatiques. Cette décision impacte directement les initiatives en cours, laissant les acteurs du secteur dans l’expectative et la confusion.

 

Le flou sur les appels d'offres et les contrats

 

La dissolution de l'Assemblée nationale entraîne le report de plusieurs projets clés. Parmi eux, le méga-appel d'offres pour l'éolien en mer, initialement prévu pour septembre, est désormais dans les limbes. 

 

De même, la mise en œuvre des contrats commerciaux passés par EDF, essentielle pour sécuriser l'avenir de l'électricien endetté, est retardée.

 

Les incertitudes réglementaires

 

La concertation sur les objectifs énergétiques de la France, initialement prévue en juin 2024, est repoussée à juillet 2024. Cela pourrait retarder encore plus la publication du décret fixant les priorités d'investissement dans le secteur énergétique. 

 

« Cela paraît tout simplement injouable : comment peut-on préparer un tel débat à quelques jours d'une élection législative qui mènera forcément à une évolution de la composition du gouvernement ? », s'interroge Jules Nyssen.

 

Vers une accélération du retard en matière de renouvelable ?

 

La dissolution de l'Assemblée nationale et l'incertitude politique qui en découle posent de sérieux défis pour le secteur de l'énergie en France. Alors que le pays est déjà en retard sur ses objectifs de transition énergétique, cette crise risque d'aggraver la situation.

 

Deux textes particulièrement importants sont actuellement bloqués, retardant ainsi des avancées cruciales :

 

  1. Facilités administratives pour l'installation de panneaux solaires résidentiels : Ce texte vise à simplifier et à accélérer les démarches pour les particuliers souhaitant installer des panneaux solaires chez eux, favorisant ainsi l'adoption des énergies renouvelables à l'échelle résidentielle.

 

  1. Calendrier des passoires thermiques pour les meublés de tourisme : Ce texte propose de soumettre les meublés de tourisme aux mêmes contraintes de rénovation énergétique que les autres logements, afin de réduire leur impact environnemental et améliorer leur efficacité énergétique.


 

Les acteurs du secteur appellent à une stabilité juridique et à une feuille de route claire pour poursuivre les efforts de décarbonation. Le futur gouvernement devra rapidement prendre des décisions importantes pour garantir l'approvisionnement énergétique de la France tout en respectant ses engagements climatiques.


La période d'instabilité actuelle pourrait toutefois ouvrir la voie à de nouvelles opportunités, à condition que les décideurs politiques parviennent à mettre en place des stratégies efficaces et à long terme. Le secteur de l'énergie, et avec lui l'avenir climatique de la France, repose sur la capacité du pays à naviguer avec succès à travers cette crise politique.