Le 24 avril dernier, le Parlement européen a voté en faveur du retrait coordonné de l'Union européenne du Traité sur la Charte de l'Énergie (TCE), une décision attendue depuis longtemps. Cette sortie du traité, qui protégeait les investissements dans les énergies fossiles, est saluée comme une avancée majeure pour les politiques climatiques des pays membres de l'UE.

 

Origines et objectifs du Traité sur la charte de l'énergie

 

Le Traité sur la charte de l'énergie, initié et signé en 1994, émerge d'un contexte géopolitique particulier. À cette époque, l'Europe sortait tout juste de la guerre froide, marquée par des tensions politiques et économiques entre l'Est et l'Ouest. 

 

Dans ce climat de transition, la sécurisation de l'approvisionnement énergétique de l'Europe était une préoccupation majeure.

 

Favoriser les échanges énergétiques

 

Le TCE est né de la nécessité de créer un cadre juridique favorisant les échanges énergétiques entre les pays d'Europe de l'Est et de l'ex-Union soviétique, tout en protégeant les intérêts des investisseurs étrangers. En effet, ces investisseurs étaient souvent réticents à s'engager dans des projets énergétiques dans ces régions en raison de l'instabilité politique et des incertitudes juridiques qui y régnaient.

 

Ainsi, le Traité sur la charte de l'énergie visait à établir des règles claires et des garanties pour les investissements étrangers dans le secteur de l'énergie. Il offrait un cadre propice au développement des infrastructures énergétiques dans les pays d'Europe de l'Est et de l'ex-URSS. Cette démarche s'inscrivait dans une logique de reconstruction et de stabilisation économique de ces régions après la chute du rideau de fer.

 

Un outil pour le développement économique

 

Le TCE avait également pour objectif de promouvoir les échanges commerciaux et les partenariats énergétiques entre l'Union européenne et les pays de l'Est. Il contribuait ainsi à renforcer les liens économiques et politiques dans une Europe en pleine mutation post-communiste.

 

Ainsi, le Traité sur la charte de l'énergie a été conçu comme un instrument de coopération et de développement économique, visant à soutenir la stabilité et la prospérité dans une Europe en pleine reconfiguration géopolitique.


 

Contestations et problématiques du TCE

 

Au fil des années, le Traité sur la charte de l'énergie a suscité de vives contestations et soulevé des problématiques quant à son impact sur la transition énergétique et climatique en Europe. 

 

Bien qu'initialement conçu pour favoriser la sécurité énergétique et les investissements dans le secteur, le TCE s'est avéré être un obstacle à la réalisation des objectifs climatiques de l'Union européenne.

 

Un frein aux mesures en matière d’énergies renouvelables

 

L'une des principales critiques adressées au TCE réside dans sa disposition permettant aux entreprises d'attaquer en justice les gouvernements qui modifient leurs politiques énergétiques, même lorsque ces mesures sont en faveur de la lutte contre le changement climatique. 

 

Cette possibilité d'engager des actions en justice a créé un climat d'incertitude juridique et a dissuadé les États européens de prendre des mesures ambitieuses en matière de développement des énergies renouvelables.

 

Les gouvernements européens se sont retrouvés confrontés à des poursuites coûteuses de la part des investisseurs dans les énergies fossiles, remettant en question la viabilité financière de leurs politiques de transition écologique. Ces actions en justice ont non seulement freiné les progrès vers une économie bas-carbone et peu émettrice de gaz à effet de serre, mais ont également sapé la confiance des décideurs politiques dans leur capacité à agir pour protéger l'environnement et le climat.

 

Un favoritisme des énergies fossiles

 

Le Traité sur la charte de l'énergie a été accusé de favoriser les intérêts des industries fossiles au détriment des impératifs environnementaux et climatiques. Cette situation a alimenté les débats sur la nécessité de réformer ou de se retirer du traité, afin de permettre une transition énergétique véritablement durable et respectueuse du climat.




 

Impact du Traité sur la charte de l'énergie sur la transition énergétique

 

Les conséquences financières des poursuites engagées par les investisseurs dans les énergies fossiles ont été considérables. Elles ont eu un impact sur les politiques de transition énergétique en Europe

 

Les montants des dédommagements demandés par les entreprises du secteur fossile ont atteint des sommets, se chiffrant en plusieurs milliards d'euros. Cette menace juridique a exercé une pression certaine sur les gouvernements européens, influençant leurs décisions en matière d'énergie et de climat.

 

Ralentissement de la sortie des énergies fossiles

 

Cette menace juridique a contribué à ralentir les efforts de sortie des énergies fossiles. Face à la perspective de devoir indemniser les investisseurs pour toute mesure visant à réduire la dépendance aux combustibles fossiles, de nombreux gouvernements ont préféré maintenir le statu quo plutôt que de prendre des mesures audacieuses de transition énergétique. 

 

Cela a entraîné un retard dans la mise en œuvre de politiques de décarbonation et a compromis les objectifs climatiques de l'Union européenne.

 

Un poids pour les politiques de soutien aux énergies renouvelables

 

Cette menace a également pesé sur les politiques de soutien aux énergies renouvelables. Les gouvernements européens, conscients des risques financiers associés aux poursuites des investisseurs, ont parfois hésité à mettre en place des incitations financières ou réglementaires pour encourager le développement des énergies propres.

 

Cette hésitation a entravé la croissance du secteur des énergies renouvelables et a limité la diversification du mix énergétique européen vers des sources plus durables.


 

Perspectives et défis pour le TCE

 

Malgré la victoire que représente le retrait de l'Union européenne du Traité sur la charte de l'énergie, les militants et les défenseurs de l'environnement soulignent l'importance de ne pas relâcher les efforts dans la lutte pour une transition énergétique juste et durable. 

 

Ils reconnaissent que bien que cette décision marque une étape importante, de nombreux défis persistent et exigent une action continue.

 

Une opposition à d’autres accords commerciaux

 

Les militants mettent en avant la nécessité de s'opposer à d'autres accords commerciaux comportant des dispositifs similaires au TCE, comme le CETA (Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne). 

 

Ces accords pourraient compromettre les politiques de transition énergétique et climatique en donnant aux investisseurs étrangers le pouvoir de contester les mesures environnementales des États, tout comme le faisait le TCE. 

 

Par conséquent, les militants appellent à une certaine vigilance et à un refus de ratifier de tels accords, afin de protéger les intérêts climatiques et environnementaux.

 

Une réforme des accords internationaux

 

Les militants soulignent aussi l'importance de poursuivre les efforts pour réformer les accords internationaux existants et les rendre plus compatibles avec les objectifs de développement durable.

 

Cela implique d'adopter une approche proactive dans la recherche de solutions alternatives qui favorisent la durabilité et la justice climatique tout en protégeant les droits des investisseurs. Cette démarche nécessitera une coopération internationale renforcée et une volonté politique soutenue pour mettre en œuvre les bonnes réformes.

 

Un vote presque unanime

 

La sortie de l'Union européenne du Traité sur la charte de l'énergie représente une avancée significative pour l'environnement et le climat en Europe. 

 

Après avoir été validé par les Vingt-Sept au début du mois de mars, le Parlement européen, réuni en session plénière à Strasbourg, a également donné son aval, avec 560 voix pour, 43 voix contre et 23 abstentions. Une confirmation finale par les États membres sera désormais nécessaire. 


Ceux qui le désirent auront cependant la liberté d'approuver la « modernisation » du traité qui est actuellement en discussion et de rester membres, une demande notamment formulée par la Hongrie, la Slovaquie, Malte et Chypre.