Les émissions de gaz à effet de serre liées au numérique représentent environ 4 % de l'empreinte carbone totale. Dans la jungle numérique, un nouvel invité sévit depuis quelque temps : l’IA. Technologie, littérature, métiers du web : aucun secteur n’est épargné. Face à un engouement croissant, l'industrie technologique voit sa demande énergétique augmenter. 

D'ici à 2030, la consommation d’énergie des centres de données pourrait doubler, principalement en raison de l'essor de l'intelligence artificielle. Cette poussée de la demande énergétique, alimentée par les besoins sans cesse croissants en IA, risque de provoquer des pénuries et des coupures de courant dans les deux à quatre prochaines années.

 

La technologie, un consommateur gourmand en énergie

 

Économiser du papier en favorisant les échanges numériques, c’est bien. Mais attention ! Le secteur du numérique est un consommateur énergivore, avec une augmentation significative de la demande énergétique ces dernières années. En cause : une multiplication des échanges numériques, un usage massif de l’IA, mais aussi la démocratisation du travail en ligne, pour ne citer que cela.

 

Des centres de données de plus en plus exploités

 

Les centres de données jouent un rôle majeur dans cette consommation en hausse. Ils nécessitent en effet une très grande quantité d'énergie pour leur fonctionnement et leur refroidissement. Le constat est sans appel : ces installations peuvent consommer jusqu'à 50 fois plus d'énergie qu'un bâtiment commercial standard, représentant à elles seules environ 10 % de toute l'énergie utilisée en France.

 

Des impacts environnementaux à grande échelle

 

Cette empreinte énergétique du numérique ne se limite pas à son impact carbone. Elle englobe également d'autres aspects écologiques tels que : 

  • la pollution des eaux, 

  • la pollution de l'air,

  • la pollution des sols liée à l'extraction des matières premières, 

  • la fabrication et le traitement des déchets électroniques. 

 

À ces facteurs s’ajoutent des impacts indirects, tels que les conflits d'accès à l'eau

 

Face à cette réalité, le gouvernement français a lancé plusieurs initiatives pour favoriser la transition écologique du numérique, conscient des conséquences du changement climatique. En effet, en 2020, le numérique représentait déjà 2,5 % de l'empreinte carbone annuelle de la France et 10 % de sa consommation électrique. Sans intervention, les émissions de gaz à effet de serre attribuées au numérique pourraient augmenter de plus de 45 % d'ici à 2030.

 

L’IA, une technologie énergivore

 

Très utile dans de nombreux secteurs, l'intelligence artificielle (IA) n’en demeure pas moins une technologie insatiable en énergie. 

 

Crise énergétique et IA = des chiffres alarmants

 

D'ici 2027, on estime que l'IA pourrait consommer entre 85 et 134 térawattheures (TWh) d'électricité. Nous parlons là d’une quantité comparable à la consommation de pays entiers comme l'Argentine. Cette estimation inquiétante est accentuée par la croissance exponentielle de l'utilisation de l'intelligence artificielle, notamment dans les modèles génératifs tels que ChatGPT, qui compte désormais 180 millions d'utilisateurs actifs.

 

Quid de l’impact énergétique de l’IA ?

 

Le développement de l'IA entraîne une demande croissante en centres de données. Comme nous l’évoquions, leur fonctionnement et leur refroidissement nécessitent d’importantes ressources énergétiques. Chaque requête générée sur des modèles d'IA peut consommer une quantité d'énergie supérieure à celle d'une requête sur une messagerie traditionnelle. Ainsi, des recherches de l'Université de Washington ont révélé que des centaines de millions de requêtes sur ChatGPT pourraient consommer environ 1 gigawattheure par jour.

 

Une prise de conscience collective est nécessaire

 

Face à cette facture énergétique toujours plus importante, le secteur du datacenter est appelé à jouer un rôle crucial dans la gestion de l'empreinte énergétique de l'IA. Cependant, cette responsabilité ne doit pas se limiter à ces infrastructures. Elle doit également impliquer une prise de conscience de la part des utilisateurs et des développeurs d'IA, afin de promouvoir des pratiques plus économes en énergie.

 

Alors que nous ne sommes qu'au début de l'adoption de cette technologie, il semble urgent de trouver des solutions permettant d’atténuer l'impact énergétique croissant de l'IA. Le cas échéant, la crise énergétique que nous vivons sera exponentielle, alimentée par la demande croissante en énergie de l'IA.

 

Quelles solutions pour une technologie moins énergivore ?

 

Si la situation est complexe, elle n’est pas sans issue ! De nombreux acteurs environnementaux et du numérique ont d’ores et déjà commencé à se mobiliser pour un numérique plus vert. 

 

Quand la technologie vole au secours du numérique

 

Les grandes entreprises technologiques répondent à l'urgence climatique en fixant des objectifs ambitieux pour réduire leur empreinte carbone. Microsoft, par exemple, vise à devenir « carbone négatif » d'ici à 2030 et à compenser toutes ses émissions depuis sa création d'ici à 2050. Google, Meta, Amazon ou encore Apple ont quant à eux des objectifs similaires pour atteindre des émissions nettes nulles ou la neutralité carbone d'ici à 2030 à 2040. 

Pour y parvenir, ces entreprises explorent la solution des énergies renouvelables. De son côté, Nvidia propose d'identifier et de désactiver les serveurs sous-utilisés pour réduire le gaspillage d'énergie. Chez Intel, on envisage plutôt d'attribuer des quotas d'énergie propres à des tâches spécifiques. 

Les défis sont nombreux, mais différentes options sont envisagées pour réduire l'écart entre les énergies sales et propres. L’utilisation de l'hydrogène propre est ainsi envisagée, particulièrement pendant les périodes saisonnières. Plus étonnante, l'option de l’électricité nucléaire a également été proposée, avec le développement de petits réacteurs modulaires. Ils permettraient d’alimenter les centres de données dès le début des années 2030, offrant une source d'énergie fiable et sans émissions. 

Les grandes entreprises technologiques disposent des ressources nécessaires pour investir dans ces technologies. Toutefois, cela nécessite de repenser quelque peu leurs chaînes de valeur…

 

Le suivi écologique du numérique par l’Arcep

 

L'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) envisage d'incorporer les préoccupations environnementales dans sa régulation à long terme, en collaboration avec des organismes tels que l'ADEME. Elle propose d'utiliser la régulation par les données, dans le but de sensibiliser les utilisateurs aux impacts énergétiques du numérique. 

La hausse des émissions de gaz à effet de serre des opérateurs de centres de données, qui ont atteint 95 000 tonnes eq. CO2 en 2022, est principalement due à l'augmentation des émissions indirectes liées à la consommation d'électricité, représentant plus de 90 % des émissions totales. 

 

À retenir : certains centres de données sont plus écoénergétiques que d'autres, avec une meilleure efficacité énergétique pour les plus récents ou ceux ayant une capacité informatique importante.

Avec le réchauffement climatique, le suivi des prélèvements d'eau devient également crucial. Bien que le volume d'eau prélevé par les opérateurs de centres de données reste modeste par rapport à d'autres secteurs économiques, il a toutefois augmenté de 20 % en 2022 par rapport à l'année précédente. Ce chiffre ne fait malheureusement qu’augmenter d’année en année. Un triste constat, qui souligne l'importance de surveiller cet indicateur à l'avenir, notamment dans un contexte de risque de pénurie d'eau et de sécheresse.

 

La feuille de route “Numérique et Environnement” du HCNE

 

Le Haut Comité pour le Numérique Écoresponsable (HCNE), créé en novembre 2022, dirige la mise en œuvre de la feuille de route gouvernementale « Numérique et Environnement » publiée en février 2021. Il réunit diverses parties prenantes, y compris : 

  • des entreprises, 

  • des ONG, 

  • des représentants des collectivités territoriales,

  • des chercheurs.

 

Le HCNE est co-présidé par les ministres de la Transition écologique, de la Transition énergétique et de la Transition numérique. La feuille de route vise à équilibrer le développement des usages numériques avec la réduction de leur impact environnemental, articulée autour de trois axes principaux : 

  • la connaissance des impacts environnementaux, 

  • le soutien à un numérique plus sobre,

  • l'utilisation du numérique comme levier d'innovation pour la transition écologique.

 

Pour mettre en œuvre ces objectifs, plusieurs chantiers sont lancés. L’un d’eux repose sur la mise en place des dispositions des lois « anti-gaspillage et économie circulaire » et « visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique ». L’organisme travaille plus que jamais sur la feuille de route visant la décarbonation du numérique et la stratégie d'accélération « Numérique écoresponsable ». Ces initiatives visent à favoriser une utilisation plus responsable du numérique et à encourager l'innovation en matière de transition écologique.

 

L’IA : ennemie ou alliée face au réchauffement climatique ?

 

Si l’IA est un véritable aspirateur énergétique, comme toute technologie numérique, son aide ne pourrait-elle pas être envisagée pour, au contraire, sortir de la crise énergétique ? Correctement employée, guidée et encadrée par des experts dans leur domaine, l’intelligence artificielle pourrait en effet être capable de trouver des solutions aussi étonnantes que complexes à certaines problématiques. Parfaitement maîtrisée, peut-être sera-t-elle l’alliée des scientifiques de demain, un outil performant capable d’assister l’humain dans une prise de décision éclairée.