La transition énergétique européenne vers le GNL américain

Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, l'Europe a cherché des alternatives à ses importations de gaz russe. Une option qui a rapidement gagné en popularité est le Gaz Naturel Liquéfié (GNL) en provenance des États-Unis. Les exportations américaines de GNL ont même atteint des sommets en 2023, dépassant le Qatar en tant que principal exportateur mondial. Définissons d’abord ce qu’est le gaz naturel liquéfié et quelle est la différence entre le gaz russe et américain. Nous verrons ensuite l’impact environnemental du GNL américain ainsi que sur l’économie européenne.

Qu'est-ce que le Gaz Naturel Liquéfié (GNL) ?

Le Gaz Naturel Liquéfié (GNL) est une forme liquide du gaz naturel, conçue pour faciliter son stockage, son transport et son utilisation à l'échelle mondiale. Cette transformation est une alternative viable au transport par gazoduc.

Le GNL russe

Le GNL américain diffère du GNL russe par sa source et par ses conséquences environnementales. Le GNL russe provient généralement de gisements conventionnels. Les gisements conventionnels de gaz naturel sont des réservoirs souterrains qui renferment du gaz naturel dans des conditions géologiques et thermodynamiques typiques. Ces réservoirs sont caractérisés par des roches poreuses et perméables (grès ou calcaires), qui permettent au gaz naturel de migrer et de s'accumuler en formant des poches souterraines. Lorsque le gaz est extrait de ces gisements, il est sous une pression suffisante pour être libéré naturellement à la surface. 

Les gisements conventionnels présentent des caractéristiques géologiques favorables à une extraction relativement aisée du gaz naturel. Les réservoirs sont souvent situés à des profondeurs modérées, et le gaz est contenu dans des structures géologiques bien délimitées.

Le GNL américain : gaz de schiste

Aux États-Unis, le GNL provient en grande partie de l'exploitation du gaz de schiste. Le gaz de schiste est une ressource non conventionnelle, différenciée par sa localisation et ses caractéristiques géologiques. Le gaz de schiste est emprisonné dans des roches imperméables et non poreuses, souvent à des profondeurs importantes. Sa récupération nécessite l'utilisation de techniques comme la fracturation hydraulique. En termes de production, les États-Unis ont rapidement émergé comme le principal exportateur mondial de GNL, dépassant des acteurs établis comme la Russie et le Qatar. 

L'abandon du GNL russe au profit du GNL américain

Le GNL américain, refroidi à des températures extrêmement basses avant d'être transporté par navire, a établi de nouveaux records avec 88,9 millions de tonnes vendues à l'étranger en 2023. Il s’agit d’une augmentation de 14,7 % par rapport à l'année précédente.

L'Union européenne, autrefois largement dépendante des importations de gaz russe, a entrepris une transition rapide vers le GNL américain. En 2022, les importations de GNL en provenance des États-Unis ont atteint 56,4 milliards de mètres cubes, enregistrant une hausse impressionnante de 153 % par rapport à l'année précédente. Ce basculement rapide souligne le besoin de l'Europe de diversifier ses sources d'approvisionnement en gaz naturel, afin de réduire sa dépendance vis-à-vis de la Russie.

Le GNL américain, avant d'être acheminé vers les marchés mondiaux par navire, subit un processus de liquéfaction où il est refroidi à des températures extrêmement basses. Cette technologie de liquéfaction permet un transport efficace du gaz sur de longues distances, offrant à l'Europe une alternative logistique aux importations de gaz russe par gazoduc.

Les conséquences écologiques du GNL américain

Cette transition n'est pas sans conséquences, surtout sur le plan environnemental. Les émissions de gaz à effet de serre associées au GNL américain sont 20 % à 45 % plus élevées que celles du gaz russe. Cette réorientation des approvisionnements vers le GNL américain aurait un impact climatique significatif, estimé entre 1 et 2 millions de tonnes de CO2 équivalent.

Le gaz de schiste, quant à lui, nécessite une extraction intensive pour être libéré. La fracturation hydraulique, qui implique l'injection d'un fluide sous pression pour fissurer ces roches, soulève des préoccupations environnementales en raison des risques de fuites de produits chimiques nocifs dans le sol et l'eau.

En plus des préoccupations liées à l'extraction, le processus de liquéfaction du gaz de schiste pour le convertir en GNL et son transport sur de longues distances contribuent également aux émissions de gaz à effet de serre. Les émissions de dioxyde de carbone et de méthane associées à ces étapes augmentent le bilan carbone du GNL américain par rapport au gaz russe.

L'avenir pour l'Europe et le GNL

Malgré les avantages commerciaux évidents pour les États-Unis, l'Europe fait face à des défis environnementaux en adoptant massivement le GNL américain. Le responsable du pôle Énergie du cabinet de conseil Carbone 4 souligne par ailleurs le risque de surcapacité avec la multiplication des terminaux de GNL en Europe.

À court terme, l'UE est partiellement couverte contractuellement pour ses besoins en gaz jusqu'en 2025, mais des appels sont lancés pour accélérer la transition vers des sources d'énergie plus durables. Les capacités de liquéfaction de Cheniere, principal exportateur de GNL aux États-Unis, devraient plus que doubler dans les années à venir, avec des contrats déjà signés, principalement avec des partenaires européens.

Bien que le GNL américain offre une alternative immédiate aux importations de gaz russe en Europe, les implications environnementales sont à étudier de près. De même, la nécessité de rechercher des solutions énergétiques plus durables souligne l'importance de trouver un équilibre entre la sécurité énergétique et la protection de l'environnement.

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