Flamanville : le nouveau réacteur nucléaire d'EDF arrive enfin !
Le réacteur nucléaire EPR de Flamanville, le plus puissant au monde, achève enfin sa construction, dont la date était initialement fixée en 2012. Le chargement d'uranium a débuté, marquant une étape cruciale vers sa mise en service. L'approbation finale du régulateur nucléaire est enfin tombée : le chargement peut commencer !
Si le réacteur commence à produire de l'électricité cet été, ce sera avec douze ans de retard et pour un coût final de 13,2 milliards d'euros, soit quatre fois le devis initial.
Plus qu’un chantier du nucléaire, une véritable saga…
Le réacteur nucléaire EPR de Flamanville incarne bien plus qu'un simple projet de construction. EDF et la filière nucléaire française nous ont “offert”, pendant 17 ans (dont 12 ans de retard), une véritable saga industrielle et technologique.
À l'heure où le gouvernement envisage de construire jusqu'à 14 nouveaux réacteurs en France, l'achèvement de ce chantier laborieux est une étape cruciale.
Les problèmes rencontrés dans la construction de l’EPR de Flamanville
Le chantier du réacteur pressurisé européen (ou EPR) de Flamanville, lancé en 2007, a été marqué par une série de difficultés techniques et de retards. Le projet, initialement prévu pour être opérationnel en 2012, connut en effet divers problèmes tels que :
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des fissures dans le béton de la dalle,
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des anomalies dans l'acier de la cuve,
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des défauts de soudures.
Ces complications ont été exacerbées par ce que le chercheur Michaël Mangeon décrit comme une "forme de désapprentissage" de la filière nucléaire, due à une longue période d'absence de nouveaux projets nucléaires dans les années 1990-2000.
En tout, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) aura mené près de 600 inspections tout au long de la construction…
Comment expliquer de tels problèmes sur l’EPR de Flamanville ?
Outre le désapprentissage mentionné, un constat navrant est rapidement fait : les études préalables furent insuffisamment développées, le tout associé à des problèmes de gouvernance. Ajoutez à cela une bonne dose d’évolution continue du contexte réglementaire, et nous voilà avec un chantier bien mal engagé…
La saga ne s’arrête pas là, puisque les alliés initiaux se sont finalement retirés. La conception de l'EPR est en effet lancée en 1992 comme une collaboration franco-allemande. Son ambition était alors de relancer l'énergie nucléaire en Europe après la catastrophe de Tchernobyl en 1986.
Contre toute attente, les Allemands se sont finalement retirés du projet en 1998, laissant les Français, avec Framatome et EDF, poursuivre seuls l’aventure. Ce retrait a bien évidemment compliqué la gestion du projet, augmentant au passage les délais et les coûts.
Le feu vert de l’ASN a enfin sonné, Emmanuel Macron s’invite !
Enfin ! Ce petit mot sonne comme une délivrance, annonçant l'approbation de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) le mardi 7 mai 2024.
Les choses sérieuses commencent chez EDF
EDF a enfin pu commencer à charger les assemblages de combustible dans la cuve du réacteur de Flamanville le 8 mai 2024. Le chargement des 241 assemblages d'uranium durera plusieurs jours. EDF poursuivra ensuite les opérations de démarrage, de contrôle et d'essais sous la supervision de l'ASN, avec l'objectif d'injecter les premiers électrons dans le réseau cet été.
Le réacteur de 1.600 MW, situé à côté des deux réacteurs plus anciens de la centrale de Flamanville sur la pointe du Cotentin, sera le plus puissant du parc nucléaire français. Il comptera désormais 57 réacteurs.
Emmanuel Macron en visite à Flamanville
Le président Emmanuel Macron souhaitait marquer cet événement par une visite à Flamanville le jeudi 16 mai 2024. Cette visite est retardée en raison des récentes émeutes survenues en Nouvelle-Calédonie. Lors de sa prochaine visite, il sera accompagné du ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, ainsi que du ministre délégué à l'Énergie, Roland Lescure. Cette visite souligne l'importance de cet événement dans le contexte de la relance de l'atome civil en France, avec la construction prévue de six à quatorze nouveaux réacteurs.
Le démarrage du réacteur de Flamanville représente un test crucial pour la filière nucléaire française. Elle doit aujourd’hui prouver sa capacité à mener à bien des projets, après les nombreux déboires de ce chantier.
À quand le raccordement au réseau électrique ?
Le raccordement au réseau électrique du réacteur de Flamanville, également appelé "couplage", n'aura lieu que dans plusieurs mois, normalement à l’été 2024. Cette étape ne sera envisageable que lorsque le réacteur sera à 25 % de sa puissance. EDF prévoit que le réacteur atteindra 100 % de sa capacité en fin d'année.
Avant cela, le géant de l’électricité devra obtenir trois avis de l'ASN :
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avant de démarrer la réaction nucléaire,
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au palier de 25% de puissance,
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au palier de 80%.
La saga continue, mais cette fois le projet touche à sa fin !
Une facture lourde, en raison de nombreux soucis sur le chantier de Flamanville
Le coût du réacteur de Flamanville, initialement estimé à 3,3 milliards d'euros, a explosé pour dépasser 13 milliards d'euros, voire 19 milliards selon la Cour des comptes. Ce surcoût est dû à un manque de personnel compétent et aux nombreux problèmes techniques à répétition précédemment évoqués. Le chantier, lancé il y a 20 ans, a vu sa facture considérablement alourdie.
Cependant, avec une superpuissance de 1600 MW contre environ 1000 MW pour un réacteur classique, le réacteur de Flamanville pourrait réduire les tensions sur l'électricité en hiver.
Quel avenir pour les EPR ?
Les futurs réacteurs EPR, conçus pour être moins chers et plus faciles à construire, représentent une avancée significative pour la filière nucléaire française. Le modèle EPR 2, une version améliorée de l'actuel EPR de Flamanville, sera alors utilisé. Son avantage ? Sa conception numérique permet de repérer plus facilement les anomalies et de réaliser des économies d'échelle grâce à des préfabrications en usine.
État actuel des centrales nucléaires en France
Le parc nucléaire français, fer de lance du mix énergétique depuis les années 1980, arrive aujourd'hui à bout de souffle. La majorité des centrales en fonction approchent de leur durée maximale d'exploitation, bien qu'elles constituent encore environ 67 % de la production d'électricité en France.
Le vieillissement des infrastructures et les questions géopolitiques actuelles rendent l'avenir de l'énergie en France incertain. Le gouvernement doit concilier la réduction des émissions de gaz à effet de serre avec la nécessité de maintenir une production énergétique stable. Un pari insensé ?
La place du nucléaire dans le mix énergétique
La Programmation Pluriannuelle de l'Énergie (PPE) vise à réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique français à 50 % d'ici à 2030.
En parallèle, le but est d’augmenter la part des énergies renouvelables. Les actions incluent :
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le doublement de la capacité installée des énergies renouvelables d'ici à 2028,
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le développement de la filière biogaz,
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l'augmentation de la production de chaleur renouvelable,
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le financement de la filière hydrogène.
Cependant, face à une demande d'électricité estimée à + de 40 % d'ici à 2050, et des sanctions de l'UE envers la Russie, la France doit revoir sa stratégie. La mise en place de ces objectifs exige une prise en compte rigoureuse des contraintes économiques et environnementales.
De nouvelles centrales nucléaires à prévoir d'ici à 2035
En réponse aux défis énergétiques, le gouvernement d'Emmanuel Macron a annoncé la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires. Les premières mises en service sont prévues entre 2035 et 2037.
Quatre sites sont en bonne position pour accueillir ces nouveaux réacteurs :
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Penly,
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Graveline,
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Bugey,
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Tricastin.
Le coût total de la construction de ces nouveaux réacteurs est estimé à 46 milliards d'euros.
Réacteurs à fusion nucléaire : l'avenir lointain
Actuellement, la France utilise des réacteurs à fission nucléaire. Toutefois, le projet ITER, basé à Saint-Paul-Lez-Durance, vise à développer des réacteurs à fusion nucléaire. Ce projet international, impliquant 35 pays, cherche à recréer le processus de fusion des étoiles pour produire de l'énergie.
Le réacteur expérimental Tokamak devrait permettre de tester la réaction du plasma en fusion dans des conditions proches d’une exploitation réelle. Les réacteurs à fusion offrent une libération d’énergie plus conséquente que la fission, sans création de déchets radioactifs et avec un accès simplifié aux éléments de fusion.
En attendant…
Malgré la construction prévue de nouvelles centrales nucléaires, le secteur est actuellement dans une situation tendue. De nombreux réacteurs sont en effet à l'arrêt pour maintenance ou problèmes de corrosion. Cette situation entraîne une baisse historique de la production d'électricité nucléaire, avec des répercussions sur les prix de l'électricité.
Le secteur nucléaire français doit se préparer à surmonter ces défis, tout en intégrant de nouvelles technologies, afin d’assurer un avenir énergétique stable aux Français.
Heureusement, l’avancée massive des énergies renouvelables dans notre quotidien tend à réduire la tension, tout en envisageant un avenir plus vert.
De plus en plus proposées par les consultants en énergie, les sources d’énergie renouvelable - telles que l’éolien, le biogaz ou encore les énergies marines - pourraient bien, à terme, sauver notre quotidien des inconvénients du nucléaire.