L'industrie française se trouve à un tournant majeur dans sa transition énergétique. Conformément aux objectifs ambitieux de neutralité carbone, elle doit impérativement adopter la voie de la décarbonation. Oui, mais… Ce processus entraîne une augmentation significative de la consommation électrique. Selon une étude de La Fabrique de l’industrie, d'ici à 2050, les usines françaises devront en effet consommer deux fois plus d'électricité qu’en 2023 ! Cela représente 207 térawattheures, contre 103 TWh en 2023. Certes, cet objectif est essentiel pour atteindre les engagements climatiques de la France. Toutefois, il représente également un défi de taille, tant sur le plan logistique que financier. Place des Énergies fait le point.

 

Électrification : 62 % du mix énergétique

 

Afin de répondre aux enjeux de décarbonation, les industriels doivent remplacer les énergies fossiles, comme le gaz et le fioul. Ces derniers, puissants émetteurs de CO2, participent en effet activement au réchauffement climatique. L'électricité devient ainsi indispensable dans des secteurs variés, parmi lesquels : 

 

  • le séchage, 

  • le chauffage de fluides,

  • les traitements thermiques, 

  • la production d'hydrogène décarboné,

  • les technologies de captage du CO2, etc. 


 

À retenir : en 2050, l'électricité devrait représenter 62 % du mix énergétique industriel, contre seulement 37 % en 2023, surpassant des ressources comme la biomasse, le biogaz ou l’hydrogène.

 

La France, bien engagée dans la course à la décarbonation

 

Si la France est bien engagée dans la course à la décarbonation, c’est en partie grâce à son mix électrique largement décarboné grâce au nucléaire. Selon l'économiste David Lolo de La Fabrique de l'industrie, cette caractéristique donne à la France un avantage décisif par rapport à d'autres pays, comme l'Allemagne, où les énergies fossiles - principalement le charbon - représentent encore 47 % du mix électrique. 

 

Ce mix décarboné, bien sûr soutenu par les énergies renouvelables, est incontournable alors que la part de l'électricité dans le mix énergétique de l'industrie française devrait quasiment doubler d'ici à 2050. Mais attention ! La France ne doit pas pour autant se reposer sur ses acquis, car des pays comme la Finlande et la Suède disposent également d’un mix énergétique similaire. 

 

La disponibilité et l'abondance de cette électricité décarbonée ne sont d’ailleurs pas garanties à long terme. C'est pourquoi une planification écologique, à la fois précise et ambitieuse, est indispensable. Aujourd'hui, toutes les grandes entreprises françaises ont leur propre plan de décarbonation, mais un décalage persiste entre les objectifs nationaux de réduction des émissions et la vitesse de transition des entreprises. Pourtant, cet écart devrait être comblé d'ici à 2030 selon les projections de la stratégie nationale bas carbone, incluse dans la feuille de route énergie et climat de la France.

 

 

L’électrification de la France, un chantier d’envergure

 

Pour que la France respecte ses engagements climatiques et atteigne ses objectifs de neutralité carbone, l’industrie doit entreprendre un chantier d’électrification colossal.

 

Une transition énergétique ambitieuse

 

Pour passer de 103 térawattheures (TWh) d’électricité à 207 TWh d’ici la fin de la décennie, il convient de remplacer les énergies fossiles par une électricité décarbonée. Cependant, un problème de taille se pose : l'électrification n'est pas universellement applicable ! Le secteur du ciment l’illustre à merveille. Les cimentiers ont en effet des besoins thermiques particulièrement élevés. Peu à peu, les choses bougent et évoluent. Par exemple, le secteur utilise de plus en plus de combustibles alternatifs tels que la biomasse ou les huiles usées. Ces efforts doivent être maintenus, mais ils doivent s’accompagner d’autres mesures fortes en matière de décarbonation, pour s’adapter à tous les secteurs industriels. Ainsi, en parallèle, le captage du CO2 devient une solution clé pour compenser les émissions incompressibles.

 

Les défis d'une électrification à grande échelle

 

La réussite de ce chantier n’est pas encore acquise ! Pour ce faire, une électricité abordable, compétitive et accessible doit être mise à la portée des industriels français. Nous en sommes loin ! 

 

L’un des défis majeurs réside dans la gestion des contrats d’approvisionnement électrique à long terme, un sujet sur lequel EDF s’efforce de convaincre les industriels, qui, après avoir bénéficié d’un tarif avantageux pendant 15 ans grâce au système ARENH, jugent désormais les nouveaux contrats trop coûteux. Or, cette instabilité tarifaire pourrait freiner l’engagement des entreprises. 

 

Autre risque majeur : l'électrification inégale des sites industriels sur le territoire. D’un côté, les grands bassins industriels émetteurs de CO2, comme Dunkerque, Fos-sur-Mer ou Le Havre, bénéficieront prioritairement de cette transition. D’un autre côté, des sites plus éloignés, proches de leurs clients et fournisseurs, risquent de se voir relégués à une électrification différée, en raison des lourds investissements nécessaires pour le raccordement au réseau. Ce décalage géographique dans l’électrification pourrait nuire à l'équité, mais aussi à l’efficacité du processus de décarbonation dans toute la France.

 

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Le rôle de l’état dans la décarbonation de la France

 

Malgré un contexte économique difficile et la difficulté des finances publiques, le gouvernement s'engage à allouer 1,55 milliard d'euros pour soutenir la transition énergétique. Cette aide, présentée dans un amendement lors du débat parlementaire sur le budget 2025, a pour but de financer des initiatives cruciales pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre

 

Ces fonds seront principalement destinés à des projets stratégiques tels que la construction : 

 

  • d’usines de batteries, 

  • d’électrolyseurs, 

  • de réseaux de captage du CO2,

  • de champs éoliens,

  • de raccordements au réseau électrique. 

 

Le ministre de l'Économie, Antoine Armand, a souligné l’importance de ces investissements publics et privés. Selon lui, l’important est de sécuriser la compétitivité des sites industriels, notamment ceux des secteurs très émetteurs, tout en répondant à une forte concurrence internationale. 

 

À retenir : un recensement des projets a déjà permis d’identifier 81 initiatives majeures, en particulier dans les 50 sites les plus polluants. Cela représente près de 60 % des émissions de carbone de l'industrie. 

 

Bien que cet amendement doive encore être validé par le Sénat, il constitue invariablement un pas important pour garantir la réussite de la décarbonation de l’industrie française.

 

Les 3 points à retenir

 

La décarbonation de l’industrie française, bien qu’indispensable pour atteindre les objectifs climatiques, soulève des défis majeurs. Que faut-il retenir ?

 

  • D'ici 2050, l'industrie devra consommer deux fois plus d’électricité, principalement pour remplacer les énergies fossiles et électrifier ses procédés.

  • Pour réussir cette transition, il est impératif de garantir une électricité abondante, compétitive et stable, le tout impliquant une planification rigoureuse et des investissements à long terme.

  • La répartition géographique des efforts de décarbonation pourrait créer des disparités, certaines régions et industries étant privilégiées par rapport à d'autres dans l’électrification.

 

Alors que l’industrie fait face à ces défis colossaux, une question se pose : comment assurer une transition juste et équilibrée, sans pénaliser les secteurs moins émetteurs ou les territoires moins centralisés ? Ce sujet de l'équité énergétique pourrait bien devenir l’un des prochains grands débats de la décarbonation en France !