Obligations de remplissage des stocks de gaz : la nouvelle loi européenne
Et si les règles du jeu changeaient pour le gaz en Europe ? Une nouvelle loi vient d’être votée par le Parlement européen pour ajuster les obligations de remplissage des stocks. L’objectif ? Réagir plus rapidement aux fluctuations du marché et éviter les hausses de prix trop brutales. Ce texte, fraîchement adopté à Strasbourg, vise à introduire davantage de souplesse dans un système jusqu’ici très rigide. Pour mémoire, depuis la crise énergétique déclenchée par l’invasion de l’Ukraine, les États membres devaient remplir leurs réserves de gaz à 90 % minimum avant le 1er novembre chaque année. En 2024, l’Europe y est parvenue… avec dix semaines d’avance ! Un bel exploit, certes, mais qui pose aussi la question de la pertinence d’une règle unique pour tous. Ce nouveau cadre entend justement mieux s’adapter à la réalité de chaque pays. Les négociations s’annoncent animées !
Capacités de stockage de gaz en Europe : où en sommes-nous ?
Quand on parle de gaz, il est avant tout question d’anticipation. Aujourd’hui, l’Union européenne peut compter sur 105 milliards de m³ de capacités de stockage opérationnelles. Cela lui permet de couvrir environ 30 % de sa consommation hivernale. Une marge de sécurité non négligeable, surtout en période de tensions sur les marchés.
En France, nous ne sommes pas en reste : avec 130 TWh de stockage souterrain, le pays couvre un peu moins d’un tiers de notre consommation annuelle. Et derrière ces chiffres, un acteur se démarque : Storengy. La filiale d’Engie gère à elle seule 100 TWh répartis sur 14 sites en France… et encore quelques-uns en Allemagne et au Royaume-Uni.
Stockage de gaz : la nouvelle proposition du Parlement Européen
Le Parlement européen a décidé de revoir sa copie sur les obligations de stockage de gaz. L’objectif est simple : alléger un peu la pression, sans lâcher complètement la bride. Si la Commission européenne propose de prolonger les obligations actuelles jusqu’à fin 2027, les eurodéputés veulent quant à eux ajuster le curseur.
L’objectif de 90 % de remplissage des stocks, fixé jusqu’ici pour le 1er novembre, est en effet jugé trop rigide dans un contexte de marché moins tendu. Ils proposent donc de viser plutôt 83 %, atteignables entre le 1er octobre et le 1er décembre. Ce nouvel objectif se positionne comme une manière de mieux coller à la réalité du terrain… et d’éviter les pics de prix pendant l’été, période où les achats pour remplir les stocks font grimper les tarifs.
Le texte prévoit également des marges de manœuvre : les États membres pourraient ainsi s’écarter de l’objectif jusqu’à 4 points en cas de conditions défavorables, comme une rupture d’approvisionnement. Par ailleurs, si la situation se prolonge, une dérogation supplémentaire de 4 points pourrait aussi être accordée. Le tout, en gardant un minimum global de remplissage de 75 %. L’approche se veut donc un peu plus souple, afin de tenter de concilier sécurité énergétique et fonctionnement plus fluide du marché.
Les conséquences de la nouvelle loi sur le stockage du gaz
Si la nouvelle loi européenne sur le stockage du gaz promet plus de souplesse, des interrogations subsistent.
Moins de gaz à stocker, plus de débats sur la stratégie
En ramenant l’objectif de remplissage des stocks de gaz de 90 % à 83 %, l’Union européenne fait un pas vers plus de souplesse. Mais cela ne se fait pas sans réactions ! Concrètement, cela revient à stocker environ 7,5 milliards de m³ de gaz en moins, soit une baisse de 29 % à 26 % de la consommation annuelle couverte par les stocks.
Moins de volume, donc, mais surtout un message politique : le cadre doit s’adapter aux nouvelles réalités du marché. Toutefois, certains acteurs, comme Thierry Bros, spécialiste des marchés gaziers, y voient surtout de l’instabilité réglementaire. Pour lui, l’Europe donne l’image d’un système qui change d’avis au gré des pressions, notamment des lobbies.
Nouvelle loi sur le stockage du gaz : quels effets sur les prix ?
Derrière ces ajustements techniques, c’est aussi le prix du gaz qui est en jeu. La perspective d’un changement progressif des règles, accompagnée d’une sortie des contrats long terme d’ici 2027, soulève pas mal de questions. Selon Armelle Lecarpentier, cheffe économiste chez Cedigaz, cela pourrait même alimenter les tensions sur le marché du GNL, notamment en 2025, alors que l’accès au GNL américain reste très convoité.
À long terme, l’équilibre pourrait se rétablir, avec de nouvelles capacités de production déjà lancées. Mais en attendant, l’incertitude reste forte.
Le gaz russe est-il totalement oublié ?
Pas tout à fait ! En 2024, la Russie a encore fourni 14 % du gaz consommé en Europe, dont près de la moitié sous forme de GNL. Pourtant, Bruxelles affiche clairement sa volonté de tourner la page. Une nouvelle feuille de route vise à couper tous les liens d’ici fin 2027. Du côté du Parlement, de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer un embargo total. Mais entre les ambitions politiques et les réalités du marché, le chemin reste délicat à tracer…
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Nouvelles obligations de stockage de gaz, que faut-il retenir ?
La machine est lancée, mais rien n’est encore gravé dans le marbre ! Les députés européens vont désormais discuter avec la présidence polonaise du Conseil pour affiner le texte. Premiers échanges prévus dès le 13 mai : affaire à suivre… En attendant, voici l’essentiel à garder en tête :
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La règle des 90 % de remplissage pourrait bientôt être abaissée à 83 %, avec une fenêtre d’application plus large, entre le 1er octobre et le 1er décembre.
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Des flexibilités et dérogations sont prévues pour mieux gérer les imprévus du marché, tout en maintenant un minimum de 75 % de remplissage.
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L’UE veut accélérer la fin de sa dépendance au gaz russe, avec un objectif de sortie totale d’ici fin 2027.
Reste à voir jusqu’où les États membres accepteront de suivre ce nouveau cap !