L’abandon du charbon comme source d’énergie est un enjeu important dans la lutte contre le changement climatique. Pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris, une réduction drastique des émissions de CO2 est indispensable, et la transition énergétique en est une composante clé.

 

Cependant, ce changement radical pose des défis considérables sur les plans financier, social et économique.

 

Dans cet article, nous explorerons ces défis à travers trois axes principaux : les conséquences économiques et sociales de l’abandon du charbon, les exemples contrastés de la Bulgarie et de la Pologne, et l’incertitude entourant les projets de reconversion en France.

 

Conséquences économiques et sociales de l'abandon du charbon

 

Le passage à un monde sans charbon, bien qu'essentiel pour le climat, pourrait avoir des répercussions négatives pour les travailleurs et les populations locales dépendant de cette industrie. La transition énergétique nécessite une planification minutieuse pour minimiser ces impacts tout en réduisant les émissions de CO2.

 

Une compensation financière pour une transition juste

 

Une étude de l’Université de technologie de Chalmers en Suède et de l’Université d’Europe centrale en Autriche révèle que plus de la moitié des plans d’élimination progressive du charbon incluent une compensation financière pour les parties affectées. Cela représente un total mondial de 200 milliards de dollars prévu à cet effet. 

 

Cette somme exclut les deux plus grands utilisateurs de charbon, la Chine et l’Inde, qui n'ont pas encore de plans d’élimination progressive.

 

L’Allemagne et l’atténuation des impacts négatifs

 

L'Allemagne, par exemple, s'est engagée à verser plus de 40 milliards d'euros pour soutenir les personnes touchées par la transition énergétique. Ces stratégies de "transition juste" visent à atténuer les impacts économiques et sociaux en soutenant les entreprises, les travailleurs et les régions affectés. 

 

Malgré ces efforts, les coûts restent élevés : si la Chine et l’Inde devaient adopter des politiques similaires, les compensations nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques de Paris s’élèveraient à 2 400 milliards de dollars pour l’objectif de 2 °C et à 3 200 milliards de dollars pour l’objectif de 1,5 °C.

 

La transition énergétique au Royaume-Uni et aux États-Unis

 

Le Royaume-Uni, en tant que pays du G7, joue un rôle clé dans la transition énergétique mondiale. Le pays a mis en œuvre plusieurs initiatives pour réduire la consommation de charbon et promouvoir des sources d'énergie plus propres. 

 

Par exemple, le Royaume-Uni s'est engagé à renoncer progressivement au charbon en fermant leurs centrales à charbon d'ici 2035. Cette décision vise à réduire les émissions de CO2 et à encourager l'utilisation de technologies renouvelables pour la production d'électricité.
 

Aux États-Unis, les efforts pour diminuer la consommation de charbon et sortir des énergies fossiles incluent le développement de dispositifs de captage et de stockage du CO2. Ces technologies permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant des centrales thermiques. En investissant dans l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables, les États-Unis cherchent à minimiser leur dépendance aux énergies fossiles et à diminuer leur empreinte carbone.

 

L'impact de la guerre en Ukraine

 

La guerre en Ukraine a des répercussions significatives sur le secteur énergétique mondial. Les perturbations de l'approvisionnement en gaz naturel ont poussé certains pays européens à reconsidérer temporairement l'utilisation du charbon pour garantir leur sécurité énergétique. 

 

Cependant, cette situation souligne l'importance de la transition énergétique et la nécessité d'accélérer le développement des technologies alternatives pour réduire les émissions de CO2 et atteindre les objectifs climatiques à long terme.

 

Études de cas sur la sortie du charbon : Bulgarie et Pologne

 

La transition énergétique et l'abandon du charbon se déroulent différemment selon les contextes nationaux. La Bulgarie et la Pologne, deux pays historiquement dépendants du charbon, illustrent des approches variées face aux défis de cette transition. 

 

Tandis que la Bulgarie lutte contre les effets immédiats de la fermeture des mines et des centrales à charbon, la Pologne semble adopter une perspective plus proactive et résignée. 

 

Ces études de cas mettent en lumière les complexités et les nuances de la transition énergétique en Europe.

 

La situation en Bulgarie

 

En Bulgarie, le village de Beli Bryag, au cœur de la région minière, symbolise les défis posés par la fin programmée du charbon. En 2009, il a été décidé d'agrandir une mine à ciel ouvert, entraînant l'abandon progressif du village. 

 

Aujourd'hui, les centrales à charbon, fournissant plus de 30 % des besoins énergétiques du pays en 2023, sont de moins en moins rentables en raison des quotas d'émissions de CO2 imposés par l'UE.

 

Les autorités bulgares ont longtemps résisté à la fermeture des centrales à charbon, mais l'instabilité politique a empêché une préparation adéquate à la transition écologique. Les travailleurs du charbon, confrontés à une incertitude croissante, expriment leur frustration et leur colère.

 

"C'est le néant, on ne nous offre aucune perspective", déclare Stanimir Georgiev, un mineur avec 30 ans de carrière. Cette situation alimente des sentiments anti-européens, certains habitants allant jusqu'à brandir le drapeau russe en signe de protestation.

 

La transition en Pologne

 

En revanche, la Pologne, bien que traditionnellement plus dépendante du charbon, semble prête à tourner la page. La part du charbon dans la production d'énergie est passée de 87 % en 2015 à 63 % en 2023.

 

L'énorme centrale de Belchatow, alimentée en lignite, reste un grand émetteur de CO2, mais le pays s'oriente résolument vers les énergies renouvelables. Les énergies solaire et éolienne, autrefois marginales, représentent aujourd'hui une part croissante du bouquet énergétique polonais.

 

Les mineurs polonais, autrefois nombreux, sont aujourd'hui résignés à leur sort. Le pays prévoit d'abandonner le charbon d'ici à 2049, et une première centrale nucléaire est prévue pour 2033. Grzegorz Wisniewski, expert en énergie renouvelable, estime que les renouvelables pourraient représenter jusqu'à 80 % de la production d'énergie en Pologne d'ici à 2040.

 

Fin du charbon : L'incertitude des projets de reconversion en France

 

En France, la centrale Emile Huchet de Saint-Avold est un exemple emblématique des défis de la transition énergétique. En septembre dernier, le président Emmanuel Macron a annoncé la fermeture des centrales à charbon d'ici à 2027 et leur conversion à la biomasse.

 

L'absence de suivi gouvernemental suscite une profonde inquiétude parmi les travailleurs. Début juin 2024, les salariés de la centrale ont décidé de se mettre en grève illimitée pour protester contre le manque de clarté et de soutien concernant leur avenir.

 

Les protestations se sont intensifiées, avec des blocages de routes et une lettre ouverte au président de la République rédigée par des élus locaux et des parlementaires. "Nous avons l'ambition de changer ce site, mais il nous faut du soutien des pouvoirs publics", déclare Thomas About, délégué syndical. 

 

Le silence des autorités rend la situation de plus en plus précaire pour les travailleurs et leurs familles, exacerbant les tensions sociales dans la région.

 

Une sortie du charbon difficile mais réalisable

 

L'abandon du charbon comme source d'énergie est primordial pour atteindre les objectifs climatiques de l'Accord de Paris. Cette transition pose des défis économiques et sociaux majeurs, nécessitant des politiques de "transition juste" et un soutien financier substantiel.

 

Les exemples contrastés de la Bulgarie et de la Pologne illustrent les différentes approches et les degrés de préparation à cette transition. En France, l'incertitude qui entoure les projets de reconversion souligne la nécessité d'une action concertée et proactive de la part des gouvernements et des entreprises pour garantir une transition énergétique équitable et durable.


La réussite de cette transition dépendra de notre capacité à anticiper et à gérer les implications sociales du déclin des combustibles fossiles, tout en investissant dans les technologies d'énergie renouvelable et en soutenant les populations affectées. Seule une approche globale et concertée permettra de relever ce défi monumental et de construire un avenir énergétique durable pour tous.