Le 17 mars 2025, lors du quatrième Conseil de politique nucléaire, l’Élysée a annoncé un nouveau calendrier pour le programme EPR2. L’État vise désormais 2038 pour la mise en service du premier des six réacteurs, contre 2035 initialement prévue. Ce projet ambitieux s’inscrit pleinement dans une dynamique de relance du nucléaire en France. L’objectif : réduire notre dépendance aux énergies fossiles, sans négliger pour autant le développement des énergies renouvelables en parallèle.

 

Le projet est soutenu par un prêt de l’État à taux préférentiel et un renforcement de la souveraineté en uranium. Toutefois, ce retard n’est pas vraiment une surprise à ce jour. Alors que le chef de l'État avait annoncé ce programme en février 2022, un audit durant cette même année avait d’ores et déjà anticipé un report à 2037. On n’en est pas si loin ! Que faut-il retenir ? Place des Énergies fait le point.

 

Report du premier réacteur EPR2 : entre financement et amélioration du projet

 

Le report de la mise en service du premier réacteur EPR2 à 2038 trouve en grande partie son origine dans la question du financement. 

 

EPR2 : un projet coûteux

 

Alors qu’un audit gouvernemental avait déjà évoqué en 2022 un possible décalage à 2037, de successives réévaluations ont peu à peu confirmé ce retard. Mais alors, comment expliquer ? Comme souvent, le coût du projet est en cause. Alors qu'en 2022, le coût estimé du programme s’élevait à 51,7 milliards d'euros, les réévaluations ont porté cette estimation à 67,4 milliards d'euros en 2023. Les chiffres ont même atteint près de 80 milliards plus récemment ! Ce surcoût, en grande partie dû à l'inflation, nécessite une révision des financements, retardant au passage l'échéance du premier réacteur. EDF prévoit de dévoiler le devis final dans quelques mois.

 

Lors du Conseil de politique nucléaire, le 17 mars 2025, les participants ont donc abordé les grands principes du financement. Ils n’ont pas hésité à souligner le soutien crucial de l'État sous forme d'un prêt bonifié couvrant au moins la moitié des coûts de construction. Loin d’être novateur, ce modèle avait déjà été appliqué pour la centrale de Dukovany, en République tchèque. Le financement inclut également un contrat garantissant à EDF un prix plafond de 100 euros par mégawattheure, avec des compensations en fonction des fluctuations du marché. 

 

Les discussions avec EDF sont toujours en cours, mais devraient aboutir à une décision d'investissement d’ici 2026 (au lieu de fin 2025).

 

Objectif : réussite du programme nucléaire !

 

L’État s’est finalement positionné comme étant peu pressé, désireux de mener à bien ce projet dans les meilleures conditions. Cette position s’explique par un contexte plus serein, après la crise énergétique de 2022, et une production d’électricité stable. Son but, avant tout, est de réussir ce programme stratégique, tout en assurant une transition énergétique équilibrée et durable.

 

Enfin, le report de la mise en service du réacteur EPR2 à 2038 vise avant tout à éviter les erreurs du chantier de Flamanville. Souvenons-nous… Sur ce chantier d’envergure, EDF a été confrontée à des surcoûts et des retards importants (12 ans !). Le gouvernement et son unique actionnaire, EDF, cherchent donc à éviter une répétition de ce scénario, en insistant bien sur la nécessité de renforcer la maîtrise industrielle du programme

 

L’uranium, au cœur des débats

 

L’approvisionnement en uranium est la clé de la stratégie nucléaire française. Il est donc plus que jamais nécessaire d’optimiser l’approvisionnement du pays ! Lors du dernier Conseil de politique nucléaire, plusieurs mesures ont ainsi été confirmées pour renforcer la souveraineté de la France dans ce domaine. 

 

Il a été décidé que l’État apporterait un soutien direct à Orano, l'entreprise chargée de l'approvisionnement en uranium, afin de sécuriser les ressources nécessaires à moyen et long terme. Parmi les initiatives phares figure le programme "aval du futur" mené par Orano sur le site de la Hague. Le programme s’engage notamment à construire une nouvelle usine pour la fabrication de combustible recyclé MOX. L’objectif est simple (et louable) : réduire la dépendance de la France aux importations d'uranium naturel. 

 

Autre orientation stratégique louable à retenir : la fermeture du cycle du combustible d'ici la seconde moitié du siècle, afin de recycler totalement les combustibles usés sans recourir à de nouvelles matières premières. En parallèle, le développement de petits réacteurs modulaires est envisagé, pour produire à la fois de l’électricité et de la chaleur, tout en diminuant le volume et la radiotoxicité des déchets. De beaux projets en perspective, qui méritent bien que le programme soit un peu retardé !

 

Report du réacteur EPR2, en bref

 

Le projet de mise en service du réacteur EPR2 d'ici 2038 s’inscrit pleinement dans la stratégie nucléaire de la France, visant à renforcer sa souveraineté énergétique tout en limitant sa dépendance aux énergies fossiles. Ce report, loin d’égaler le record du site de Flamanville, est nécessaire pour éviter de reproduire les mêmes erreurs, tout en optimisant le financement et en soutenant Orano. 


Au-delà de cette relance nucléaire, c’est toute la question de la transition énergétique qui semble remise sur le tapis. Nous voilà à l’intersection des énergies renouvelables et du nucléaire, avec à la clé des enjeux de sécurité et d’indépendance énergétique pour les décennies à venir !